LE BIFACE OEUVRE D'ART ?
Certains bifaces ne manquent pas de nous étonner par leur forme régulière presque parfaite, leur taille avec soin, leur dimension extrème parfois, et aussi par la diversité des matériaux utilisés. Notre sensibilité et notre attrait envers ces outils si particuliers nous amènent alors à nous interroger sur un sens symbolique qui pourrait être attribué à ces bifaces, voire même artistique. La recherche du support idéal et de matériaux inédits: Avant tout, le support pour la taille devait être adapté au besoin (silex ou grès, le plus fréquemment, du fait de leur fracture conchoïdale et de leur abondance), mais parfois le choix s'est porté sur des matériaux peu courants, à l'aspect précieux: jaspe, calcédoine, obsidienne, quartz..., bien que difficile à tailler dans ce dernier cas. Il s'agissait le plus souvent et tout simplement des matières disponibles sur place, mais pas toujours.... En effet, ces matières ont parfois fait l'objet d'expéditions ciblées pour les extraire d'un gîte connu, distant, assez lointain même; plusieurs sites ont livrés des pierres allochtones. Les couleurs inédites et la translucidité des matériaux inhabituels ont assurément attirer l'attention tout comme de nos jours et ont par conséquent été prisées et recherchées volontairement. Par ailleurs, des bifaces ont été découverts, façonnés dans des blocs présentant une singularité; pour exemples les quelques rares pièces ayant une perforation naturelle dans le cortex (la perforation intentionnelle n'était pas encore connue) ou bien un fossile qui a été conservé visiblement pour renforcer ainsi le caractère unique de la pièce. Alors, simple curiosité ou souci d'esthétisme?
SuiteLa recherche de la symétrie et de la beauté de la forme: Avec l'apparition du débitage Levallois, il devient évident que les tailleurs de l'époque savait mentalement concevoir l'objet terminé dans sa forme finale, "géométrique" pour nous, et dans son contour retouché plus ou moins parfait. D'ailleurs une évolution dans les formes se constate globalement dans le temps (tendance à l'amincissement notamment) même si cette évolution n'est ni linéaire ni constante car des pièces plus ou moins archaïques subsistent encore parmi celles plus abouties. Parmi les formes, certaines interpellent plus que d'autres pour leur apparente symétrie, à la fois bilatérale et bifaciale: cordiformes, triangulaires, discoïdes....mais ces formes sont-elles pour autant une recherche pure sans finalité autre que l'outil? Les bifaces découverts en France montrent trop souvent des signes d'utilisation pour ne pas avoir été fonctionnels; cette notion de symétrie idéale est abusive et le biface possède en réalité des imperfections et des critères techniques nécessaires à la réalisation d'objectifs d'instrumentation pour lesquels il a été conçu (cf Eric Boëda). Par contre, rien n'empêche d'imaginer une sorte de compétition peut-être, à la pièce de forme régulière, de couleur chatoyante, au travail de finition soigné.... conférant ainsi un prestige au possesseur du biface reconnu comme le mieux taillé, le plus performant, et donc le moins commun: une pièce produite, dirions nous, dans certaines "règles de l'art", et avec de surcroit une symétrie plus esthétique que nécessairement utile. Le tailleur n'éprouvait-il pas une grande satisfaction à dominer la matière et l'envie de produire "son" biface personnalisé?